Réflexions sur les thématiques, Loisirs motorisés, mobilité, écologisme et activités de pleine Nature:
Automne 2006 Ph Bourdeau
Quelques réflexions que je voudrais plutôt
orienter dans le sens du dialogue et de l'élargissement de la question qui nous anime. Même si cela n'exonère en rien les nuisances des loisirs motorisés, il est indéniable que les nombreuses navettes routières induites par la pratique du parapente (ou par ex. du rafting) relativisent le caractère de « sport de nature » pourtant attribué à cette pratique. En forçant le trait on pourrait même considérer que la randonnée pédestre, l'escalade, le caynoning, la raquette à neige, etc., sont indirectement des sports motorisés du fait des très longs déplacements routiers qu'ils engendrent. Cela doit-il nous conduire à être plus indulgent avec les sports motorisés et plus sévère avec tous les sports « à déplacement routier » ? Sans doute les deux, puisqu'un trialiste qui va travailler tous les jours en train et fait une sortie dominicale de 3 h pollue somme toute beaucoup moins qu'un grimpeur qui parcours 500 km par week-end pour aller sur un site réputé, surtout si cette distance s'ajoute à 2000 km de déplacements routiers déjà effectués durant la semaine à titre professionnel. Quant à discuter quel serait le milieu le plus sensible (les populations vivant aux abords de l'autoroute ou la faune et la flore rurale ?) c'est un vrai-faux débat piégé d'avance par quelques siècles d'incompréhension entre humanisme et écologisme. Ainsi va le monde. Navrant pour tous ceux qui voudraient que les choses soient plus simples, et que la ligne de partage entre le bien et le mal soit beaucoup plus claire. Intéressant pour les autres, au moins à certains égards. Le fond du débat ne porte donc pas tant sur les mérites ou méfaits de tel ou tel loisir sportif, mais plutôt sur la question plus générale des mobilités qui structurent de plus en plus notre vie. Après la « révolution » des 30 dernières années du XXème siècle qui a vu les sociétés développées » rompre avec une certaine sédentarité et redécouvrir les vertus du nomadisme (des personnes et des biens), il semble que nous soyons en train d'atteindre un palier dans la croissance effrénée de la mobilité. Que ce palier soit lié à des événements désignés comme « émission de gaz à effet de serre », « pollution de l'air », « bruit », « fin du pétrole bon marché », « emprise sur l'espace », « saturation des voies de communication », « fatigue et stress », « accidentologie routière »., son poids sur nos pratiques quotidiennes et les décisions politiques prises ou à prendre semble s'accroître, et les débats qu'il engendre deviennent des enjeux de société : quel urbanisme, quels moyens de transport, quelle énergie, quelle organisation économique. ? La question des mobilités est largement taboue en France au nom de la liberté de circulation, du culte de la « bagnole » et surtout des concessions faites à de nombreux lobbies (pétroliers, constructeurs d'automobiles, travaux publics, sociétés d'autoroutes, transporteurs routiers.), mais d'autres démocraties européennes comme la Suisse, l'Allemagne ou les pays scandinaves se la posent de manière (beaucoup) plus lucide et (un peu) moins dramatisée. Bon, et les loisirs dans tout ça ? Un grand nombre d'entre eux s'adaptent et transforment nos habitations en lieux de travail (télétravail), de bricolage et de jardinage, de convivialité (terrasse, home-cinéma, salle de jeux), de bien-être (jacuzzi, piscine.), et bien sûr de pratique sportive (salle de gym, pan d'escalade.). Ce qui explique que la résidence principale soit désormais devenue le « premier lieu de vacances des français ». Pour le reste, en attendant l'avènement des loisirs virtuels, le tourisme et la « récréation » au sens large sont LA principale source de mobilité contemporaine à l'échelle du monde occidental, comme en témoignent la récente croissance des voyages aériens « low-cost » (impact environnemental maximum) ou la classique saturation saisonnière de la circulation dans la plupart des destinations touristiques urbaines, littorales, montagnardes, et même rurales (Dordogne.) ; ceci au prix d'une baisse constante de la qualité de l'expérience vécue par les visiteurs, sans parler des conditions de vie des populations locales, évidemment dépendantes du tourisme. A cet égard ne faut-il pas s'inquiéter du fait qu'à ce jour aucune commune touristique française (« 1er pays touristique du monde ») ne se soit dotée d'un Agenda 21 local, démarche de base de la traduction territoriale du développement durable ? D'une certaine manière, nous parlons bien ici de la « compétitivité » des lieux qui vivent du tourisme, et celle-ci ne se limite pas à la sphère économique, mais englobe aussi la qualité de l'air, de l'eau, du paysage, de la vie. Dans ce contexte la régulation et la maîtrise de l'inflation des mobilités et de leurs « externalités négatives » ne s'imposent-elles pas chaque jour davantage ? Une démarche comme le programme Alpine Awareness témoigne de pistes possibles (www.alpineawareness.net). Faut-il « rationner » les mobilités récréatives au risque d'un liberticide que certains (ceux qui voyagent ou rêvent de le faire) jugeront insupportable ? Mais comment s'y prendre ? Faut-il plutôt réduire les mobilités « subies » (professionnelles) pour ménager les mobilités « choisies » (ludiques) comme le proposent certains ? Mais dans quelles conditions ? Reste aussi à explorer la voie de la proximité, dont la (re)montée est clairement observable dans les pratiques comme dans les politiques mises en ouvre ici et là. « Se sentir bien sans aller loin » (slogan des parcs naturels régionaux de la Région Rhône-Alpes en 2004) devient une voie possible permettant de renouveler le regard porté sur les lieux qui nous sont proches et méritent autant notre attention que d'autres plus prestigieux. Mais pour de telles pratiques ne seront malgré tout « durables » qu'en s'affranchissant le plus possible des contraintes et nuisances du moteur et du réacteur, que ce soit pour se rendre sur place (sports de nature) ou pour satisfaire sa passion (loisirs motorisés). Cette relocalisation et cette « démotorisation » des loisirs a certes un petit arrière-goût de crise, qu'elle soit économique (précarité), démographique (vieillissement), sécuritaire (attentats et conflits sur les lieux touristiques), identitaire (altérité anxiogène, culpabilité), sanitaire (pandémies de type Sida, Sras..), environnementale (changement climatique) et énergétique (prix du pétrole, pénurie à venir). Elle n'ira pas non plus sans débats, tensions et conflits. Mais loin de la « déclinologie » elle laisse aussi une belle place à la créativité, à l'imagination et à l'innovation, aussi bien sur le plan des cultures sportives, que sur le plan technologique (du low-tech au high tech), économique et bien sûr politique et éthique. Car les loisirs ne sont que le reflet de la société qui les engendre et l'ère de l'après-tourisme s'offre aussi à nous comme une ressource à mobiliser et à partager. Ph. Bourdeau |
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